Nous savons qu’a l’usine AZF, le vendredi 21 septembre 2001, une benne est acheminée du « demi-grand » – le hangar 335 où sont stockés les sacs hors d’usage destinés à la valorisation –, jusqu’au hangar 221 – le hangar où sont stockés les nitrates déclassés. 15 minutes plus tard, le 221 explose.
La benne partie du 335 contenait les balayures ramassées sur le sol du demi-grand.
La thèse de l’accident chimique
Elle repose sur les faits suivants: le mercredi 19 septembre, soit deux jours avant l’explosion, un salarié de l’entreprise sous-traitante chargée de la gestion des déchets se rend compte de la présence dans le hangar 335 d’un big-bag éventré contenant du nitrate d’ammonium. L’ouvrier met dans sa pelle le contenu du sac, ainsi que ce qui s’est déversé sur le sol.
L’hypothèse des experts judiciaires, c’est qu’en même temps que les résidus de nitrate d’ammonium, quelques kilos de résidus chlorés ont été ramassés sur le sol et pelletés dans la benne (ce qui voudrait dire que des sacs de produits chlorés mal nettoyés ont été déposés dans le hangar).
Ce mélange serait resté 48 H dans la benne, avant qu’elle ne soit acheminée au 221 et déversée dans le box de réception sur un tas de nitrates, sans doute humides. Rappelons que le nitrate d’ammonium est un produit stable qui, seul, n’explose pas, mais la rencontre nitrate d’ammonium + produits chlorés + humidité peut provoquer une explosion.
Les experts judiciaires ont étayé cette théorie en reproduisant une explosion de ce type (à moindre échelle bien sûr…) le 8 avril 2005 au centre d’essais de Gramat dans le Lot.
Justement, un sac de produits chlorés a été retrouvé dans le 335 par la commission d’enquête interne de la Grande paroisse, première à se rendre dans ce hangar après l’accident. Trop évident pour être vrai ? C’est ce que soutiendront certains. Le sac en question sera également identifié par les policiers lorsqu’ils se rendront plus tard dans le demi-grand.
Un mystère demeure
Seulement Gilles Fauré, l’ouvrier responsable du hangar 335, indique lors du procès avoir déclaré aux policiers que le demi-grand avait été visité, car les choses n’étaient pas rangées comme lui les avait rangées. La commission d’enquête interne de La Grande Paroisse avait-elle « fait le ménage » avant le passage des autorités pour dissimuler des preuves qui ne lui convenaient pas ?
L’affirmation de Gilles Fauré a amené une association à porter plainte contre Total pour « entrave à l’enquête ». Cette plainte jugée recevable par la justice débouchera sur un non-lieu, mais elle a permis, lors des perquisitions au siège de Total, de faire des découvertes importantes. Nous verrons prochainement quelles sont ces révélations.
La thèse officielle est très loin de faire l’unanimité…
Des opposants à cette thèse
Les experts scientifiques cités par la défense et certaines parties civiles démontent les expertises judiciaires. Pour eux, il est impossible de pelleter des résidus chlorés sans être fortement incommodé par une odeur tout à fait caractéristique. Gilles Fauré se serait immédiatement rendu compte de la présence de produits chlorés sur le sol du 335 s’il y en avait eu, et il aurait été contraint de stopper le balayage.
Le tir expérimental pratiqué à Gramat est lui aussi remis en question. Il ne serait pas représentatif de la réalité, tant du point de vue mécanique, que des points de vue physique et chimique.
Les explications présentées par les experts de tous bords sont extrêmement pointues et diversifiées. On parle de sismologie concernant la transmission terrestre des ondes de l’explosion, on parle de cratère en forme de… tétine (experts judiciaires) ou de langue (expert de la défense), car la forme du cratère livre des explications sur l’endroit précis d’où l’explosion est partie. D’un côté des spécialistes, pour lesquels la thèse officielle est la seule envisageable, de l’autre d’autres éminents scientifiques, pour lesquels cette thèse relève de l’impossible, littérature éclairée à l’appui (notamment l’ouvrage de Louis Médard « Les explosifs occasionnels »).
Quand on n’a pas une opinion déjà bien arrêtée, il est difficile de prendre fait et cause pour une partie ou une autre ! Tel est mon ressenti. Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec la situation dans laquelle nous nous trouvons en cette année 2020 marquée par le coronavirus. Les paroles des experts médicaux ne vont pas toujours dans le même sens, elles sont même parfois opposées, et le citoyen lambda, comme apparemment ceux qui sont au sommet de l’Etat, ne sait souvent plus que penser.