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Guerres et storytelling

Official Portrait of President Reagan 1981

Je vous parlais précédemment du storytelling en politique. D’après Christian Salmon, dans son livre : « Storytelling : La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits », c’est Ronald Reagan qui est l’initiateur dans les années 80, d’une « présidence narrative ».

Le 40e président des États-Unis était, avant de s’engager en politique, un acteur de cinéma, il avait donc l’habitude d’utiliser le pouvoir de l’histoire. D’autres présidents des États-Unis seront également de grands utilisateurs de storytelling politique, pour ne citer que les plus récents Barak Obama et Donald Trump, dans deux styles diamétralement opposés, se serviront du pouvoir de l’histoire pour gagner.

Ce dernier en particulier n’hésite pas à utiliser de fausses histoires ou « fake news » pour promouvoir ses idées. Cette puissance de l’histoire a été également utilisée à de nombreuses reprises dans le monde politique pour déclencher des guerres. Ainsi en 2003 Colin Powell affirme devant l’assemblée générale des Nations Unies que l’Irak possède des armes de destruction massive qui menacent la sécurité du monde. Il convainc plusieurs nations de s’engager dans la deuxième guerre du Golfe.  Mais les raisons évoquées pour déclencher cette guerre s’avéreront une gigantesque manipulation (source : Le monde diplomatique)

Les histoires pour les guerres

Ce pouvoir des histoires pour emmener un peuple dans des combats n’est certes pas une nouveauté. Nous célébrons cette semaine le 102e anniversaire de l’Armistice. En 1914, en France, la plupart des soldats partent enthousiastes avec la certitude de revenir victorieux dans quelques semaines. La propagande, inculquée à l’école de la République, depuis la plus petite enfance, a fait son œuvre. En 1914 on part défendre la nation avec enthousiasme, on va reconquérir l’Alsace et la Lorraine annexée par l’Allemagne pendant la guerre de 1870 et prendre sa revanche. Dès l’ouverture des hostilités, les soldats allemands sont présentés comme une horde de barbares, qui pille les maisons, viole les femmes et coupe les mains des enfants, reprenant d’ailleurs les lieux communs développés en 1870.

Propagande outre atlantique

Cette utilisation d’histoire à des fins de propagande est bien sûr également utilisée aux États-Unis.
Depuis le début de la guerre, le pays est resté neutre, sans, cependant, le rester sur le plan des affaires. Il est le principal partenaire commercial et le créancier des pays de l’Entente (France, Royaume-Uni et Empire russe). En 1916 le Président Wilson avait même été réélu avec la promesse de ne pas prendre part au conflit. Mais la « guerre sous-marine à outrance » menée par les Allemands modifie sa position et en avril 1917, le Congrès américain déclare la guerre à L’Empire allemand.

USA bryter de diplomatiska förbindelserna med Tyskland 3 februari 1917
Le président Wilson devant le Congrès, annonce la rupture des relations officielles avec l’Allemagne en février 1917.
soldat américain de le première guerre mondiale

À cette époque le gouvernement américain ne dispose que d’une armée de volontaires de 200 000 hommes pas du tout préparés à être engagés dans la guerre meurtrière qui fait rage en Europe. Beaucoup d’Américains s’opposent à l’entrée en guerre. Il faut mobiliser les esprits, convaincre l’opinion publique que la guerre est menée pour la sécurité des États-Unis, la liberté et la démocratie. Commence alors une propagande anti Allemande.

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Affiche de propagande anti Allemande

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Cette affiche pour le recrutement est restée célèbre et sera  détournée à de multiples reprises.

Nouveaux médias

Ce début de XXe siècle est aussi l’époque d’apparition de nouveaux moyens de communication que sont le cinéma et le son enregistré.

Les frères Warner produisent ainsi leur premier film : « My four years in Germany ». Il s’agit d’un film de propagande tiré du livre de James Watson Gerard, ambassadeur des États-Unis en Allemagne de 1913 à 1917.

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Arrivée des troupes américaines
à Saint-Nazaire

SPA 1 AD 63
Camp d’instruction

SPA 1 AD 35
Construction des baraquements

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Cette propagande permet d’enrôler sans trop de contestations plusieurs millions de « sammies » qui iront se battre entre 1917 et 1918 de l’autre côté de l’Atlantique. Le pouvoir de l’image est également utilisé pour relater aux États-Unis la vie des soldats. Les premiers photographes de guerre font leur apparition.

La contribution américaine à la guerre permettra d’obtenir l’armistice signé le 11 novembre 1918 entre les représentants allemands et alliés dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne .

La puissance de l’histoire pour le marketing

Comme nous venons de le voir, l’histoire a un pouvoir immense. Cette puissance, utilisée non plus à titre de propagande, mais sous forme de storytelling, d’une manière éthique et humaine, sans les dérives que nous avons vues ci-dessus, a toute sa place dans le marketing.
Le storytelling permet de capter l’attention du prospect par une « histoire ». Un récit permet de faire passer ses idées beaucoup mieux qu’un simple énoncé de faits. L’histoire associée à la vidéo devient un élément extrêmement important pour vous faire connaître, promouvoir votre marque, vos produits.

Hervé Marcé
Vidéaste & documentariste depuis 1988 —